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Focus sur l’investissement à impact social

C'est une idée neuve, mais elle suscite un intérêt grandissant de la part des professionnels de l'investissement: l'impact investing combine un impact social significatif et des rendements qui ne le sont pas moins. Quelques idées reçues grèvent encore son développement. Deux associés de McKinsey les ont mises à l'épreuve et leur conclusion est sans appel.

Monday
14
May 2018
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Reconnaissant l’urgence de raccommoder le contrat entre entreprise et société, de nombreuses firmes et banques tentent de trouver des investissements rentables qui aient aussi un impact social. L'une des solutions est l’impact investing, qui consiste à diriger le capital vers des entreprises ayant des bénéfices sociaux ou environnementaux, à travers des projets allant du logement abordable à l’exploitation durable des terrains forestiers durables en passant par les cliniques de soins oculaires, autant de sujets que les modèles d'affaires traditionnels ont tendance à éviter.

Les investisseurs traditionnels craignent souvent de s'aventurer sur ce terrain, laissant le champ libre à d’audacieux investisseurs de capital-risque et aux organisations non gouvernementales (ONG) qui tiennent ici le rôle de « premiers investisseurs institutionnels ». Même si les bénéfices sont évidents en termes d’arrivée de nouveaux clients ou de satisfaction des salariés, on considère généralement que ces investissements ne peuvent être donner lieu à un développement suffisant pour générer des rendements attrayants, qu’ils comportent un risque plus élevé, sont moins liquides et qu’il est plus difficile d’en sortir. On peut s'attendre à ce que les investissements à impact social dépassent 300 milliards de dollars d'ici 2020, mais cela ne représentera qu'une petite fraction des quelque 2900 milliards de dollars qui devraient être gérés par des sociétés de capital-investissement (private equity) à l'échelle mondiale à cette date.

Notre recherche en Inde - un banc d'essai de nouvelles idées dans ce domaine, où quelque 50 investisseurs ont investi 5,2 milliards de dollars dans des projets depuis 2010 et où l'investissement augmente de 14 % par an - présente une perspective différente. Nous avons testé quatre notions qui ont freiné l’ardeur des investisseurs traditionnels. Les résultats suggèrent qu'à mesure que les entreprises et les grands investisseurs se familiariseront avec l'état réel de la situation, en Inde et ailleurs, ils trouveront des opportunités d'investissement qui s'alignent sur leurs objectifs sociaux et business.

Le mythe du rendement inférieur

Les investissements à impact social en Inde ont démontré comment le capital peut être utilisé de manière durable et comment il peut répondre aux attentes financières des investisseurs. Nous avons examiné 48 sorties d'investisseurs entre 2010 et 2015 et nous avons constaté qu'elles ont produit un taux de rendement interne médian (TRI) d'environ 10%. Le tiers supérieur des transactions a donné un TRI médian de 34 %, ce qui indique clairement qu'il est possible de réaliser des sorties rentables dans les entreprises sociales.

Nous avons trié les transactions par secteur : agriculture, énergie propre, éducation, entreprises de microfinance et autres qui travaillent à accroître l'inclusion financière et les soins de santé. Près de 80% des sorties dans le domaine de l'inclusion financière se situaient dans les deux tiers supérieurs de la performance. La moitié des transactions dans les secteurs de l'énergie propre et de l'agriculture ont généré une performance financière similaire, tandis que celles dans les secteurs de la santé et de l'éducation ont pris du retard. Avec un échantillon limité de seulement 17 sorties en dehors du secteur de l'inclusion financière, il est cependant trop tôt pour être définitif sur la performance des autres secteurs.

La pièce 1 montre certaines relations évidentes entre la taille de l'opération et la volatilité des rendements, ainsi que le rendement global. Les opérations de plus grande envergure ont produit un éventail beaucoup plus étroit de rendements, tandis que les petites opérations ont généralement produit de meilleurs résultats. Les plus petites transactions ont eu les pires rendements et la plus grande volatilité. Ces résultats suggèrent que les investisseurs (en particulier ceux qui hésitent) peuvent choisir leurs opportunités en fonction de leur expertise.

  

Les investisseurs n'ont pas besoin d’être aussi patients que vous le pensez.

Notre analyse montre que la moyenne et la médiane des périodes de détention lorsque les investisseurs se retirent ont été d'environ cinq ans, ce qui n'est pas différent des périodes de détention pour les sociétés de capital-investissement et de capital-risque conventionnelles. Les opérations ont produit un large éventail de rendements, quelle que soit la période de détention. D'un autre point de vue, cela implique également que les entreprises sociales dotées de modèles d'affaires solides n'ont pas besoin de longues périodes de détention pour générer de la valeur pour les actionnaires.

Les fonds conventionnels arrivent

L'investissement social exige un large éventail d'investisseurs pour maximiser le bien-être social ; les entreprises qui reçoivent des investissements ont besoin de compétences différentes au fur et à mesure qu'elles évoluent. Les jeunes sociétés ont besoin d'investisseurs ayant une expertise dans le développement et l'établissement d'un modèle d'affaires viable, d'opérations de base et de discipline en matière de capital. Par exemple, un investissement dans une ferme laitière avait besoin d'une série d'investissements de démarrage plus risqués avant d'être adapté aux investisseurs conventionnels.

La deuxième étape exige des compétences en matière d'équilibre entre le rendement économique et l'impact social, ainsi que l'endurance nécessaire pour s'engager et mesurer le double résultat net. Et la troisième étape exige une expertise en matière de mise à l'échelle, de raffinement des processus, de développement des talents et d'expansion systématique.

 

Les impact investors ont été les premiers investisseurs dans 56% de toutes les transactions (tableau 2) et dans huit des dix premières institutions de microfinance en Inde. Fait significatif, nous avons constaté que cela a suscité l'intérêt des fonds classiques de capital-risque et de capital-investissement, même lorsque les modèles d'affaires des industries sous-jacentes ont commencé à mûrir. Les fonds classiques de capital-investissement et de capital-risque ont apporté des capitaux plus importants, qui représentaient environ 70% de la valeur du financement institutionnel initial. Dans l'ensemble des secteurs, les fonds généralistes ont contribué à hauteur de 48% du capital (tableau 3).

 

Les club deals, ces consortiums réunissant les impact investors et les fonds classiques de capital-risque et de capital-investissement, ont contribué à hauteur de 32% du capital et soulignent le rôle complémentaire des deux types d'investisseurs. Au fur et à mesure que les entreprises arrivent à maturité et que les impact investors restent impliqués, ils sont en mesure d'obtenir du financement à partir de fonds ordinaires. Les organismes sans but lucratif jouent également un rôle complémentaire en fournissant des capacités très efficaces sur le terrain. Les organismes sans but lucratif sont généralement actifs depuis plus longtemps que les entreprises et ont mis au point des mécanismes rentables pour la prestation de produits et de services et la mise en œuvre de plans d'affaires. Les impact investors pourraient être considérés comme des investisseurs stratégiques dans les organisations à but non lucratif, qui à leur tour jouent un rôle dans l'intensification, le recrutement de compétences et la mise en place d'un levier financier et d'exploitation. Un impact investors, par exemple, a créé une organisation sœur pour accompagner les fondateurs de la microfinance dans leur démarche et les a aidés à développer leurs compétences.

L'impact social est significatif

En Inde, ces investissements ont touché la vie de 60 à 80 millions de personnes en Inde. C'est l'équivalent de la population de la France, un chiffre significatif qui suggère qu’il ne s’agit pas que d’une goutte d’eau dans la mer. Certes, l'Inde compte de vastes populations de personnes dans le besoin. Mais encore une fois, à mesure que les entreprises sociales prennent de l'ampleur, il en sera de même de leur impact, atteignant un nombre critique de personnes à risque dans des populations plus petites.

Au fur et à mesure que les investisseurs réexaminent leur compréhension de l'investissement à impact social, leurs engagements en capital ne manqueront pas de prendre de l'expansion. Cela fera sans aucun doute surgir de nouveaux défis. Mais nos recherches suggèrent que cette classe d'actifs émergente peut relever les défis financiers et atteindre les rendements sociaux recherchés par les fournisseurs de capital à l'échelle mondiale.

La version anglaise de texte est parue dans le McKinsey Quarterly sous le titre A closer look at impact investing. Traduit et publié sur autorisation. Les auteurs: Vivek Pandit est associé principal du bureau de McKinsey à Mumbai, et Toshan Tamhane est associé principal du bureau de Jakarta.